Création poétique assistée

La poésie à votre goût

Au moment où l’intelligence artificielle intervient sur plusieurs aspects de la vie quotidienne, il semblait nécessaire de montrer comment celle-ci pouvait également nous aider dans les processus créatifs textuels d’aujourd’hui. La poésie passe souvent pour le lieu de l’inspiration pure face à la feuille blanche, mais c’est oublier trop rapidement combien elle s’accompagne de traditions bien connues des poètes, de dictionnaires de synonymes ou de rimes, d’apprentissages à la calligraphie. La création assistée ne pose par ailleurs aucun problème en photographie : c’est le cas des aides numériques dans les modifications de la luminosité, de la netteté ou d’autres caractéristiques de l’image. De la même manière, le processus de création peut être soutenu par de l’intelligence artificielle ou des polices paramétriques (développées ces dernières années), tout comme de la mise en page auto-générée.
L’intelligence artificielle devient-elle créative pour autant ? Au lieu de prendre l’option illusoire et effrayante de remplacer l’homme par des générateurs de texte, encore bien défaillants, nous avons opté pour une intervention sur les différentes strates de l’écriture créative poétique. Hommes et machines collaborent dans une dynamique constante : la machine suggère, alors que l’homme choisit en permanence ; elle ne le remplace jamais, mais l’aide à faire les meilleurs choix. Cet atelier invite à explorer le chemin de la poésie avec de nouveaux outils, comme dans une chaîne de montage menant à un vaste rouleau qui collecte et assemble les énergies poétiques de l’exposition.

Technique

Cet atelier utilise l’intelligence artificielle, qui apprend des probabilités de séquences de mots grâce à des « réseaux de neurones formels », avec plusieurs couches connectées directement l’une à l’autre et récursivement dans le temps.  Ainsi, après avoir optimisé les connexions entre neurones par l’observation de 6000 poèmes (une étape appelée « entraînement »), le système peut estimer la probabilité d’une suite de mots qui lui est présentée.  Mais inversement, il lui est aussi possible de produire des suites de mots qui maximisent cette probabilité, et apparaîtront ainsi comme des vers ou des strophes bien élaborés. Les paramètres de forme soulignent des contraintes sur la longueur des suites ; les thèmes et les émotions sont modulés par la combinaison de plusieurs modèles, entraînés sur des poèmes préalablement identifiés comme représentatifs de ces mêmes thèmes ou émotions ; les rimes sont ajustées en cherchant parmi les mots les plus probables ceux dont la terminaison permet d’obtenir la rime recherchée. 

Historique

Afin d’aider l’intelligence artificielle à générer une première esquisse, deux aspects sont laissés au choix du visiteur : la forme du poème (quatrains, haïku, vers libres) et le thème (amour, mort, guerre, saisons, spiritualité…). Afin de supprimer les erreurs syntaxiques ou les faiblesses orthographiques des générateurs de texte, qui fonctionnent par rapprochements statistiques, le créateur peut corriger le texte et l’améliorer après cette première étape. Ensuite, il demande à la machine de lancer des suggestions lexicales sur un registre émotionnel (avec des degrés affectifs à choisir), ainsi que dans le domaine des phoniques des rimes. À l’aide de curseurs, le créateur donne une coloration émotionnelle au texte : plus joyeuse ou mélancolique ?

Pour terminer le poème, il reste à considérer la tradition calligraphique, à travers la recherche des polices de caractère. Le caractère utilisé, ainsi que sa mise en page, peuvent appuyer le sens du texte et donner une idée visuelle du contenu que les mots transmettent. La dernière étape du processus créatif ainsi que l’installation finale se concentrent sur ces aspects. La forme du caractère typographique du poème est déterminée par les choix faits durant les différentes étapes de la création de celui-ci. Le créateur peut modifier, dans une certaine mesure, le caractère proposé par la machine, afin d’accentuer son aspect radical ou, au contraire, d’en faciliter la lisibilité. Le poème suit son chemin : imprimée lors de l’exposition sur une feuille monumentale ou consultable individuellement en ligne, photographiée sur un smartphone et partageable à volonté.

Conception : Nicolas Baldran (Center for Future Publishing), David Héritier (Center for Future Publishing), Andrei Popescu-Belis (Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion), Antonio Rodriguez (Université de Lausanne), Aris Xanthos (Université de Lausanne).
Parties formes, lexique, rimes et émotions : Andrei Popescu-Belis (Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion), Aris Xanthos (Université de Lausanne).
Partie typographie, impression et installation de l’imprimante : Nicolas Baldran (Center for Future Publishing), David Héritier (Center for Future Publishing).